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Pour les élites conservatrices, le racisme est moins une fin en soi qu’un instrument de gestion du capitalisme global.

  • Writer: Justine Guittonny Cappelli
    Justine Guittonny Cappelli
  • Aug 18
  • 3 min read

Ces derniers temps, les étrangers (surtout racisés mais pas uniquement), observent une montée de la xénophobie en Irlande, avec des attaques violentes (le fait d'adolescents principalement) et des propos haineux du web à la rue.

Je me demande pourquoi tant de blancs (souvent pauvres, socialement fragilisés et sans véritable accès à l’éducation) en viennent à exprimer un racisme si viscéral. Pourquoi ce choix d’une haine dirigée contre d’autres opprimés, plutôt que d’une solidarité fondée sur l’expérience partagée de la pauvreté ?


Les travaux de Cedric J. Robinson sur le capitalisme racial (Black Marxism, 1983) apportent un premier éclairage : le racisme n’est pas un résidu archaïque qu’on aurait “oublié d’effacer” dans les sociétés modernes, il est une technologie constitutive du capitalisme. Il sert à diviser les classes laborieuses, à détourner leur colère des élites qui les exploitent pour la rediriger vers d’autres populations fragilisées. Angela Davis, dans Femmes, race et classe (1981), montre bien comment, aux États-Unis, l’exploitation des femmes blanches pauvres s’est accompagnée de discours leur promettant une supériorité symbolique sur les femmes et hommes noirs, une manière de leur donner une “compensation idéologique” pour leur misère matérielle.


À cette mécanique raciale se superpose une autre : celle du natalisme. Silvia Federici, dans Caliban et la sorcière (2004), a montré comment le capitalisme moderne s’est appuyé sur le contrôle du corps des femmes, réduites à une fonction reproductive censée alimenter le système en main-d’œuvre. Le corps maternel est mis au service de l’État et du marché.


Encourager les familles nombreuses a deux effets déterminants :

- Immobiliser les femmes dans un rôle social qui les empêche de développer une autonomie politique et économique.

- Appauvrir les parents, épuisés par le soin aux enfants et incapables d’accumuler du capital ou d’accéder à l’éducation.


Le renouveau actuel des discours natalistes dans les milieux conservateurs européens et nord-américains s’inscrit dans cette logique. Il ne s’agit pas simplement d’“aimer les bébés” ou de défendre une “culture familiale”, mais de transformer la reproduction en arme politique. Face à une prétendue “invasion migratoire”, on exhorte les femmes blanches à “faire des enfants pour la race”. Ce discours donne un sens héroïque à la maternité, mais surtout, il fonctionne comme une idéologie disciplinaire : il justifie la pauvreté (“vous souffrez pour protéger votre peuple”), il détourne l’attention des structures économiques, et il maintient les femmes dans une disponibilité reproductive permanente.


Ce mélange (racisme et natalisme) produit un effet redoutable. Les femmes blanches sont assignées à la maternité comme mission politique, les hommes blancs pauvres trouvent dans le racisme une consolation symbolique, et les élites conservatrices, elles, en sortent gagnantes :

- elles disposent d’une main-d’œuvre abondante et bon marché,

- elles s’assurent que les classes populaires ne s’unissent pas au-delà des frontières raciales, et elles peuvent continuer à exploiter les populations racisées dans un système néocolonial qui divise le monde en zones d’extraction, zones de consommation, et zones de villégiature pour ultra-riches (comme l’a théorisé Immanuel Wallerstein dans son analyse du système-monde capitaliste).


Au fond, cette logique repose sur un double mythe : la fable du mérite (celui qui travaille dur pourra peut-être rejoindre un jour les élites), et la fable de la race (même pauvre et misérable, on est au moins “supérieur” aux autres). Ces illusions sont puissantes, car elles permettent de faire accepter à des millions de personnes une existence marquée par la fatigue, la précarité et l’absence de perspectives.



Derrière les idéaux natalistes et raciaux, il n’y a pas tant une obsession pour la “pureté” ou la “race blanche” qu’une volonté pragmatique des classes dominantes de gérer la population comme une ressource, en divisant, en assignant, en disciplinant.


Gaïa, watercolor and metallic gold leaf, 2025.
Gaïa, watercolor and metallic gold leaf, 2025.

 
 
 

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